La réforme du régime de retraite du secteur public et les avocats de la Couronne
- par Canadian Association of Crown Counsel (CACC) – Association canadienne des juristes de l’État (ACJE)
1er novembre 2013
L’honorable David Alward Premier ministre,
Monsieur le Premier Ministre,
L’Association canadienne des juristes de l’État est l’association nationale qui représente les intérêts collectifs des procureurs et des avocats spécialisés en droit civil au service du gouvernement. Les associations de membres représentent les avocats de la Couronne des dix provinces et du gouvernement fédéral.
Au cours des derniers mois, nous avons suivi avec une grande inquiétude le débat sur la réforme du régime de retraite du secteur public au Nouveau-Brunswick. Nos collègues qui travaillent comme conseillers juridiques, conseillers législatifs ou procureurs de la Couronne au Cabinet du procureur général du Nouveau-Brunswick (CPGNB) nous ont informés de la possibilité que la Province impose par la loi des changements mal conçus aux droits de pension de retraite de son secteur public.
On nous a notamment informés de ce qui suit :
•Cette réforme du régime de retraite est l’aboutissement d’un processus de consultation gravement déficient dont les responsables n’ont pas pris la peine d’envisager sérieusement des solutions de rechange qui auraient favorisé la stabilité et la solvabilité financières du régime de retraite du secteur public du Nouveau-Brunswick;
•Ces réformes transforment des pensions à prestations déterminées en ce qu'on appelle par euphémisme des pensions à « risques partagés » où les risques ne seront pas véritablement partagés, mais bien assumés presque entièrement par les employés;
•Il est proposé de modifier les avantages sociaux acquis en affaiblissant leur garantie, mesure qui serait illégale si elle était mise en œuvre par un employeur du secteur privé. La proposition constitue une rupture du lien de confiance avec des employés, retraités ou non, qui ont consacré leur carrière à la fonction publique.
•Non seulement nos collègues verront-ils leurs prestations de retraite amputées à l’instar des autres fonctionnaires, mais en plus, leurs prestations de retraite seront touchées d’une façon disproportionnée en raison de leur faible salaire initial.
Le procureur général de la province a pour rôle de défendre la primauté du droit. Or, ce devoir constitutionnel nécessite le recrutement et le maintien en poste d’avocats compétents, professionnels et dévoués. La sûreté publique, la sauvegarde des deniers publics et la valeur des programmes publics dépendent de la qualité des services juridiques. Le fait d’employer des avocats dans la fonction publique est une bonne affaire pour le contribuable. Lorsque le gouvernement confie des services juridiques en sous-traitance à des avocats du secteur privé, il peut se trouver contraint de payer jusqu’à trois fois plus qu’à l’interne. C’est grâce aux avantages sociaux, et notamment aux pensions, que les gouvernements sont en mesure de recruter et de maintenir en poste des avocats aux salaires qu’il leur offre. De nombreux avocats qui entrent au service de la fonction publique le font en renonçant à des salaires supérieurs pour obtenir une certaine sécurité financière à la retraite.
En outre, les avocats qui travaillent au CPGNB sont déjà parmi les moins bien payés au pays. Dans le passé, ils pouvaient au moins compter sur le fait qu’ils bénéficieraient éventuellement de pensions raisonnables et garanties. Ils ne peuvent maintenant même plus compter sur cette garantie. L'élimination unilatérale des pensions à prestations déterminées des avocats du secteur public serait une mesure peu judicieuse qui pourrait bien avoir des conséquences désastreuses. Vous risquez en effet de perdre plusieurs avocats qui iront au secteur privé, et d’avoir beaucoup de difficultés à maintenir en poste les meilleurs et les plus brillants d’entre eux à l’avenir. Les contribuables du Nouveau-Brunswick devront alors payer encore plus pour obtenir des services juridiques pourtant de moindre qualité.
L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) est le seul agent négociateur d'une centaine d'avocats du Cabinet du procureur général du Nouveau-Brunswick. Les membres de l’Institut et leur président Gary Corbett ont refusé, avec notre appui, d’avaliser la réforme du régime de retraite de votre gouvernement. Les avocats gouvernementaux, comme tous les Néo-Brunswickois, devraient pouvoir se fier aux promesses de leur gouvernement. Nous avons cependant bon espoir que vous saurez régler la situation et épauler votre procureur général dans son rôle constitutionnel de gardien de la primauté du droit au Nouveau-Brunswick.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments les plus distingués. Eric R. Woodburn Président Association canadienne des juristes de l’État ERW/vjb c.c. L’honorable Blaine Higgs, ministre des Finances L’honorable Hugh Flemming, C.R. , procureur général Gary Corbett, président et administrateur en chef de l’IPFPC Chris Titus, président du groupe des procureurs de la Couronne du Nouveau-Brunswick de l’IPFPC Eric Boucher, président du groupe des avocats de la Couronne du Nouveau-Brunswick de l’IPFPC